Remise en cause de l'Aide médicale d’Etat : la politique de santé publique ne doit pas être sacrifiée par la loi sur l’immigration

Publié le par Marie-Christine Vergiat

Dans le cadre du projet de loi immigration, intégration et nationalité, un amendement vise à supprimer l’accès aux soins des étrangers précaires (Aide médicale de l’Etat). Je vous fais partager l'argumentaire commun du CISS, de La FNARS, de L’ODSE et de L’UNIOPSS qui appelle les députés de l'Assemblée à voter contre cette amendement et qui montre bien l'incohérence de cette proposition basée exclusivement sur des préjugés, et non sur des faits.
 

Malgré le choix de la Commission des Lois et l’opposition du Ministère de la Santé, quelques députés dont
Monsieur Goasguen vous proposent un nouvel amendement (346 ainsi que l’amendement 44, après l’article 75
du projet de loi) destiné à supprimer l’accès aux soins des populations les plus précaires en France, les
personnes sans autorisation de séjour.
La méthode ainsi employée doit purement et simplement être écartée : de tels débats qui touchent gravement à
la protection maladie et à la santé des populations ne peuvent avoir lieu à l’occasion d’un texte déjà fort
complexe concernant l’immigration.
Sur le fond, réduire l’accès aux soins des personnes disposant de faibles ressources incite au report, voire au
renoncement aux soins, en contradiction avec toute politique de santé publique cohérente, et sans véritable
garantie sur la rationalisation des coûts : des pathologies simples qui auraient pu être soignées efficacement et à
peu de frais ne seront pas traitées et dégénèreront en complications graves et coûteuses. C’est le sens de la
CMU, c’est le sens de l’AME.

Les arguments de Monsieur le Député Goasguen qui vous sont présentés pour soutenir cet amendement ne
correspondent pas à la réalité.
1. L’Aide médicale d’Etat (ci-après AME) a été créée il y a plus d’un siècle (1893) et rénovée en 1999 pour
protéger la santé des personnes vivant dans les conditions les plus précaires les exposant à des déterminants
sociaux sanitaires particulièrement défavorables : prévention, suivi médical, accès aux soins sont ainsi rendus
possibles sans attendre l’aggravation des pathologies et donc des coûts humains (souffrance) et financiers (prise
en charge plus lourde, dans l’urgence). Maintenir l'AME et l'inscription des personnes dans le système de santé
publique, c'est donc bien diminuer les coûts et la charge pour le système de santé en lieu et place de le
désorganiser et de diminuer son efficacité.
2. L’AME est le dispositif, en France, le plus contrôlé et étudié tant par l’IGAS que par l’IGF (2003, 2007),
mais aussi le groupe de lutte contre les fraudes du ministère des finances. Seules les CPAM peuvent l’accorder,
avec des procédures et contrôles stricts. Il n’y a aucune dérive observée ni fraude possible. Passer des CPAM
aux préfectures serait une gabegie financière (personnels formés à la CMU-AME dans les CPAM // guichets
engorgés dans les préfectures et personnel dont la protection maladie n’est pas le métier). Une politique de santé
efficace nécessite que les étrangers sans titre de séjour puissent accéder en premier lieu aux structures
sanitaires et sociales qui dépendent du ministère de la santé.
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3. Le droit à l’AME est valable 1 an : tous les ans il faut rapporter toutes les preuves nécessaires pour
l’obtenir (revenus en dessous du seuil identique à celui de la CMU, preuves de présence et de résidence sur le
territoire français). Ce renouvellement tous les ans est déjà source de frais (personnel mobilisé, instruction etc).
Le rendre trimestriel multiplierait les coûts par 4.
4. L’augmentation des dépenses de l’AME d’abord sur une augmentation du nombre des bénéficiaires, due
à l’augmentation des déboutés du droit d’asile et aux restrictions du droit au séjour en France ces dernières
années, mais aussi au nombre croissant d’étrangers en situation régulière indûment orientés vers l’AME, alors
qu’ils devraient relever de l’assurance maladie. L’exclusion brutale en 2008 de l’assurance maladie vers l’AME
des ressortissants communautaires (les Roms roumains et bulgares par exemple, mais pas seulement) en séjour
dit irrégulier est sans nul doute également un facteur explicatif.
5. Les bénéficiaires de l’AME participent, comme chacun d’entre nous, au financement de leur couverture
santé. Ils ne sont en effet nullement dispensés du paiement des prélèvements obligatoires que sont les impôts de
toute nature (dont la TVA, la fiscalité locale, les impôts sur le revenu,…), ni des cotisations sociales.
6. L’augmentation apparente des dépenses par bénéficiaire, dont le montant par consommant demeure
identique à celui du reste de la population1, peut s’expliquer par des facteurs comptables totalement
indépendants du comportement des bénéficiaires. Il s’agit notamment de l’application de la T2A, de la tarification
hospitalière spécifique pour les bénéficiaires de l’AME, du recours plus tardif aux soins2 et de la sur
représentation des bénéficiaires touchés par une pathologie grave3 (cancers, hypertension, hépatites etc) qui
devraient, à défaut d’accès effectif aux soins dans le pays d’origine, obtenir le droit au séjour4 et de fait, l’accès à
l’assurance maladie.
7. Monsieur Goasguen prétend que les étrangers sans autorisation de séjour sont privilégiés par rapport
au reste de la population : l’Aide médicale d’Etat n’est accordée que sous le plafond de ressources de la CMU
(des « privilégiés » à moins de 634 euros par mois ?) et le panier de soins de l’AME est nettement inférieur à
celui de la CMU. Les rumeurs qui accusent des Français de se faire passer pour des étrangers sans papiers pour
bénéficier de l’AME sont sans fondement.
Nous vous invitons donc à refuser les amendements proposant le démantèlement de l’Aide médicale
d’Etat.

Nos associations, qui travaillent au quotidien avec les sans-papiers, vous en remercient d’avance.

Le CISS La FNARS L’ODSE L’UNIOPSS
www.leciss.org/ www.fnars.org/ www.odse.eu.org/ www.uniopss.asso.fr/

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